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Pourquoi dit-on merde pour souhaiter bonne chance ?

Il s’agit à l’origine d’une superstition théâtrale, qui s’est ensuite développée progressivement à tous les secteurs. Souhaiter « bonne chance » porterait malheur, et l’expression a donc été remplacée par un autre mot. Le choix du mot « merde » daterait de l’époque où les spectateurs se faisaient déposer en calèche devant les théâtres, halte durant laquelle les chevaux en profitaient pour se soulager et garnissaient la rue de crottin. Cette « garniture » étant directement proportionnelle au nombre de spectateurs, c’était faire preuve de bienveillance que de souhaiter « beaucoup de merdes » aux artistes. L’expression « Toï Toï Toï » a également perduré dans les milieux artistiques, afin d’encourager l’acteur qui s’apprête à rentrer en scène : cette expression est originaire d’Allemagne, elle consiste en la répétition de la première syllable de Teufel (diable).

Les superstitions théâtrales sont nombreuses et perdurent depuis plusieurs siècles. Il est ainsi toujours interdit de dire le mot « corde » dans l’enceinte d’un théâtre, ce mot pouvant attirer le mauvais oeil du pendu sur celui qui le prononce. De même, la couleur verte est interdite, car elle est considérée comme maléfique. Cette superstition provient du fait qu’à une certaine époque, on utilisait le cyanure pour teindre les vêtements en vert, et ce colorant toxique finissait par être fatal à celui qui le portait. On pourrait également citer l’interdiction de siffler dans un théâtre, car cela attirerait les huées du public, ou encore l’interdiction d’offrir des oeillets à une comédienne. L’origine de cette tradition dérive du fait qu’à l’époque où les théâtres avaient des acteurs permanents, il était de coutume que le directeur offre un bouquet de roses aux actrices dont le contrat était renouvelé. En revanche, les comédiennes qui allaient être licenciées n’avaient droit qu’à des oeillets, moins onéreux.

La plus intéressante superstition théâtrale est sans doute celle qui voudrait que la pièce Macbeth soit maudite. Pour cette raison, elle n’est jamais appelée par les acteurs par son vrai titre, mais désignée comme « la pièce écossaise ». De même, les personnages principaux sont surnommés M et Lady M. On prétend que Macbeth n’a jamais été mis en scène sans qu’au moins un des acteurs ne soit tué ou grièvement blessé. Cette légende reste invérifiable. Toutefois, en raison du déroulement de la pièce, qui inclut un certain nombre de scènes de combat et de fortes occasions d’accident, elle est souvent considérée comme la plus dangereuse de Shakespeare à réaliser dans un théâtre. On peut remarque que Macbeth étant extrêmement populaire, cette oeuvre était souvent programmée par des théâtres en déséquilibre budgétaire. Une autre origine habituellement attribuée à ce mythe est que les coûts de production très élevés de ce monument shakespearien plongeaient les théâtres dans les problèmes financiers.

Pourquoi, dans un débat, le nom d’Hitler ou de nazi ressort-il aussi souvent ?

Cette récurrence dans le débat des références au nazisme a été théorisée par Mike Godwin en 1990. Il a tiré de ses observations sur le forum Usenet une loi, appelée de façon originale la loi de Godwin : « Plus une discussion sur Usenet dure longtemps, plus la probabilité d’y trouver une comparaison impliquant les nazis ou Hitler s’approche de 1. » Dans un débat, atteindre le point Godwin revient à signifier à son interlocuteur qu’il vient de se discréditer en vérifiant la loi de Godwin. En réthorique, l’existence de la pseudo-locution latine Reductio ad Hitlerum est attestée depuis les années 1950.

Cette loi s’appuie sur le postulat de base suivant : une discussion qui s’éternise au delà d’un certain point finit par amener les différents interlocuteurs à remplacer leurs arguments par des analogies extrêmes, qui consistent la plupart du temps à traiter celui qui n’est pas d’accord avec soi de nazi. Cela arrive dans presque toutes les discussions qui durent, un partisan s’échauffe et sort alors ce qu’il lui semble être l’argument extrême. On considère que lorsque ce point Godwin est atteint, il faut alors arrêter la discussion et clore le débat, lequel ne peut plus être considéré comme pertinent. On considère généralement que vérifier la loi de Godwin revient à « perdre » le débat. Cependant, certains considèrent que le fait de clore un débat en invoquant cette loi n’est qu’une façon de fuir la discussion avec ceux qui n’ont pas utilisé ce genre de comparaisons. D’autres remarquent que cette loi peut être difficile à invoquer dans une discussion, car cela reviendrait à tenter de jeter le discrédit sur l’interlocuteur.

Cette loi, d’abord utilisée uniquement pour observer la nature des discussions sur Internet, s’est ensuite étendue à tous les débats, qu’ils soient politiques, sportifs ou culturels. On peut citer comme exemple récent Christine Albanel, alors Ministre de la Culture Française, qui a déclaré le 12 mars 2009 : « Je suis accablée par toutes les caricatures sur tous les bancs et par l’obstination qui consiste à présenter l’Hadopi comme une sorte d’antenne de la Gestapo, c’est particulièrement ridicule ». Elle s’est pour cette phrase vue décerner par plusieurs médias un point Godwin.

L\’article de Libération sur le point Godwin de Christine Albanel

Pourquoi le Sphinx n’a-t-il plus de nez ?

La célèbre statue monumentale qui s’élève dans la vallée de Guizeh, protégeant la seule des sept merveilles du monde encore existante, à savoir les trois pyramides, incarne la puissance souveraine du pharaon, et est chargée de veiller sur sa nécropole. C’est encore aujourd’hui la plus grande statue jamais taillée d’un seul bloc. Elle mesure 20 mètres de haut sur 73 mètres de large. Dans la mythologie égyptienne, le mot « sphinx » désigne un lion à tête humaine qui monte la garde aux portes du monde souterrain. Outre son nez disparu, la célèbre statue conserve de nombreux mystères, notamment quant à la date de sa construction, encore inconnue aujourd’hui, mais que certains imaginent remonter à plusieurs millénaires avant la construction des pyramides que nous connaisssons.

On n’a aujourd’hui aucune idée de l’époque où le Sphinx a perdu son nez. Si des dessins de la campagne d’Egypte sous Napoléon montrent le Sphinx avec son nez, on a également retrouvé des textes datatn du Moyen Age et même de l’Antiquité qui évoquent le Sphinx comme dépourvu d’attribut nasal. Les explications données quant à la chute du nez sont multiples, toutefois aucune n’apparaît comme pleinement satisfaisante et le mystère demeure entier encore aujourd’hui.

L’histoire la plus plausible serait que le nez, en raison de son poids (estimé à plusieurs de dizaines de tonnes) aurait fini au cours des millénaires par subir les dégâts des lois de la gravité et se serait décroché puis écrasé au sol. Ceci est considéré comme la version la plus plausible. Cependant, elle n’est pas pleinement satisfaisante car, dans ce cas, les égyptologues auraient dû retrouver des fragments du géant appendice nasal en pierre. Or, ils ont été incapables de mettre la main sur le plus petit débris qui aurait pu corroborer cette thèse. Le mystère demeure donc entier.

Bien des histoires saugrenues ont été inventées pour expliquer la disparition du nez de la statue. La plus connue est sans nul doute celle qui voudrait que Napoléon ait fait tiré accidentellement un boulet de canon sur le nez lors de sa campagne en Egypte, provoquant sa chute. On est aujourd’hui certain que c’est totalement faux, et que cette anecdote a probablement été inventée a posteriori, pour renforcer la légende napoléonienne. Mais ce mythe continue malgré tout à faire long feu.

Je ne peux pas ici vous exposer toutes les explications possibles découvertes par les archéologues depuis plusieurs siècles. Cependant, si vous êtes intéressés par la question ou intrigués par ce mystère, je vous conseille de regarder ce très bon documentaire. Ici le lien pour la partie 1, les parties 2 et 3 sont facilement trouvables dans la barre de recherche située sur le côté.

http://www.dailymotion.com/video/k17RAyC6ldfXEGuGce

Pourquoi appelle-t-on le fameux cocktail un « bloody Mary » ?

Le bloody mary est un cocktail à base de jus de tomate et de vodka, auquel on ajoute généralement quelques épices, comme le tabasco, le sel, le céleri ou encore le jus de citron. En français, le nom du cocktail donne lieu à d’élégantes traductions argotiques, comme « Marie-salope » ou encore « menstruation de Mary ». En réalité, la traduction littérale donne lieu à deux interprétations : il s’agirait soit de « Mary la sanguinaire », soit de « Sacrée Mary ».

L’origine du nom est contestée. Une des propositions voudrait qu’Ernest Hemingway, qui craignait les colères de sa femme Mary Welsh quand il prenait de l’alcool, associa à la prise de ce cocktail un juron récurrent, « Bloody Mary » (« Sacrée Marie« ). Dans la région de Pampelune, on raconte également que la boisson doit son nom à la célèbre Mary Read, la seule femme pirate reconnue officiellement, qui s’est illustrée au combat aux côtés du fameux pirate britannique Jack Rackham (celui qui est dans Tintin).

Cependant, la proposition la plus sérieuse quant à l’origine du nom du cocktail est sans doute celle qui lie la boisson à la légendaire reine d’Angleterre Marie Tudor, fille d’Henri VIII et de Catherine d’Aragon, qui dirigea le pays entre 1553 et 1558, avant de mourir en laissant le pouvoir à sa demi-soeur, Elisabeth I. Elle fut surnommée « Mary la sanglante » par les protestants anglicans qu’elle envoya au bûcher par milliers dans sa lutte pour rétblir le catholicisme en Angleterre. La couleur rouge du jus de tomate, associant la boisson au sang, fait de cette version la plus vraisembable de toutes.

Le bloody mary aurait été inventé en 1921 au Harry’s Bar à Paris. Selon la légende, c’est pour le comédien américain Roy Barton que Petiot aurait concocté ce mélange d’épices, de citron, de jus de tomates et de vodka, qui fut d’abord connu sous le nom de « Bucket of Blood » (« godet de sang »), avant de devenir le « Bloody Mary ». Cependant, le jus de tomates tel que nous le connaissons aujourd’hui n’existait pas à cette époque. Le cocktail ne séduisit pas immédiatement les Parisiens et ne devint un véritable succès que quelques années plus tard, aux États-Unis. Au milieu des années 1930, il est réintroduit en remplaçant la vodka par du gin, et appelé Red Snapper. On le présente comme un remède contre la gueule de bois.

Pourquoi parle-t-on de « bluetooth » ?

Le rapport entre une dent bleue et la technologie permettant de relier entre eux des appareils électroniques sans utiliser de fil n’est pas évident. Bluetooth était à l’origine le nom de code d’un consortium de 1998, réunissant Nokia, Motorola, Microsoft, et surtout Ericsson, le fabricant suédois créateur du Bluetooth. Le but de cette réunion était de parler de l’éventualité de la création d’une technologie sans fil. Le nom est ensuite resté.

Cette dénomination fut choisie en référence au roi suédois Harald Blatand, littéralement Harald « Dent Bleue » (Bluetooth en anglais), qui régna au 10ème siècle, et unifia les différentes régions de la Norvège, de la Suède et de la Finlande tout en en vassalisant d’autres (comme la Normandie). De même, le Bluetooth est utilisé pour relier entre eux, réunifier, les appareils électroniques. Pour une fois, le nom est plus poétique que les habituels noms techniques tels que VHS, DVD ou CD-ROM.

Le roi tenait sans doute son surnom du fait qu’il avait les dents gâtées, ou bien que, friand de petites baies de couleur violine (des airelles), il en consommait à outrance, ce qui avait la particularité de colorer la langue, le palais et les dents d’une couleur bleutée.  Il est cependant considéré comme plus probable aujourd’hui que le surnom était en réalité « blå teint », qui signifiait « au teint sombre », « bronzé ».

Le logo du Bluetooth est constitué de la réunion des initiales runiques H et B d’Harald Blatand.

Pourquoi les cygnes anglais ont-ils un statut spécial ?

Depuis le 12ème siècle, tous les cygnes du Royaume-Uni sont considérés comme des sujets de sa Royale Majesté, et lui appartiennent. En effet, en Angleterre, le cygne se mange, mais seulement dans les banquets royaux. Il est considéré comme un mets fin et délicat réservé aux papilles royales. Aujourd’hui, la reine ne mange plus de cygne, mais la tradition a perduré et tous les cygnes de la Tamise et de ses affluents sont encore sa propriété personnelle.

Il y a même un Marqueur de Cygnes, qui, tous les ans, en juillet, descend la Tamise en bateau pour recenser les oiseaux. Cette tradition s’est perpétuée pour s’assurer chaque année de l’état du patrimoine royal. En juillet 2009, pour la première fois, Elisabeth II a assisté au comptage annuel des volatiles. Il s’agit aujourd’hui, par cette tradition, de protéger les oiseaux, qui souffrent de plus en plus de la pollution des eaux, de la réduction de leur habitat naturel ainsi que des attaques des braconniers. Les cygnes sont encore considérés comme des animaux extrêmement précieux, et, jusqu’au 16ème siècle, les voleurs d’oeufs de cygnes étaient punis par une lourde peine de prison ainsi qu’une forte amende.

Pourquoi l’âme humaine est-elle supposée peser 21 grammes ?

Ceux qui ont vu le film d’Alejandro Gonzalez Inarritu se souviennent probablement que la superstition énoncée qui sert de base au film est que dans les instants suivant la mort, le corps humain perdrait 21 grammes, ce qui correspondrait au poids hypothétique de l’âme humaine quittant le corps pour rejoindre d’autres cieux. Cette théorie n’est évidemment étayée par aucune explication scientifique.

Cependant, le choix du nombre 21 n’est pas sans fondement : il s’agit de la multiplication de deux chiffres associés au mysticisme. Le chiffre 3 représente évidemment la Sainte Trinité. Quant au 7, il est toujours présenté comme le chiffre parfait, parce qu’il est obtenu en additionnant le plus petit nombre premier, trois, et le plus petit carré, quatre.

Bande-annonce du film 21 grammes

Pourquoi mettre le pain à l’envers porte-t-il malheur ?

Aujourd’hui, mettre le pain à l’envers sur la table est considéré comme un mauvais présage. Cependant, peu de personnes sont encore capables d’expliquer ce qui est à l’origine de cette superstition.

Il faut remonter au Moyen Age pour comprendre cette croyance. A l’époque, les exécutions publiques avaient souvent lieu le midi, sur la plus grande place de la ville, là où se trouvaient également les boulangeries. Chaque boulanger réservait alors un pain pour le bourreau. Il le posait à l’envers, pour être sûr de ne pas le vendre à quelqu’un d’autre. Personne n’y touchait, car les bourreaux, qui exerçaient des métiers en rapport avec la mort et les cadavres, étaient aussi méprisés que craints, et la croyance populaire leur prêtait des pouvoirs maléfiques qui les contraignaient à vivre en paria, en dehors des villes, loin du monde extérieur qu’ils ne pouvaient que contaminer par le mauvais oeil qui les touchaient.

Aujourd’hui, les bourreaux n’existent plus, en France tout au moins, mais la symbolique du pain retourné est restée. Le pain à l’envers attirerait le bourreau et donc la mort chez soi, et reste encore associé au malheur.

Pourquoi dit-on du pape que « Duos habet et bene pendentes » ?

Littéralement, « il en a deux, et bien pendantes ». Il s’agirait d’une vérification rituelle de la virilité des papes nouvellement élus. Un ecclésiastique serait censer palper les parties génitales du pape au travers d’une chaise percée réservée à cet effet. Il s’exclamerait alors cette phrase, à laquelle les cardinaux répondraient, en choeur : « Deo gratias » (« Rendons grâce à Dieu ». Les textes relatant cette légende font état de deux autres textes. Il serait arrivé qu’un candidat ait perdu un attribut. C’est alors que le vérificateur se serait exclamé : « Est unus » (« il y en a un »). Le répond aurait alors été : « sufficit » (« suffisant »). Les guerres, la capture par les pirates barbaresques auraient parfois dépouillé un candidat de ses attributs virils. Le cardinal vérificateur désolé aurait alors déclaré : « Est nullus » (« il y en a aucun ») et le répond aurait été : « Deus providebit » (Dieu y pourvoira).

Cependant, on est aujourd’hui à peu près certains que ce rituel dont la phrase est encore connue de nos jours n’a en réalité jamais existé. Aucun texte normatif n’en fait état. De plus, si on a effectivement retrouvé dans le mobilier de l’investiture pontificale deux sièges percés. La perforation en question est circulaire et mesure 21,4 cm de diamètre; elle s’ouvre sur le devant du siège par une petite ouverture carrée de 13,2 fois 13,7 cm. On ne voit qu’elle quand on est sous l’influence de la légende, mais, en fait, ce sont les rebords qui sont importants -le siège à proprement dit et non le « trou ». Il s’agit en effet ici d’un siège-curule, comme on en trouvait dans la Rome Antique. Ces sièges auraient été utilisés pour contrebalancer le pouvoir des Cardinaux, et déclarer les Papes, à l’instar des dirigeants romains, « Patriarche universel ». Les sièges curules n’étaient donc que l’expression symbolique de cette nouvelle titulature. Pourquoi les sièges devinrent-ils les « chaises percées » affectées à la vérification du sexe des papes?On peut penser qu’une fois éteinte la querelle qui leur avait donné naissance, leur signification symbolique s’était peu à peu perdue et que leur sens fut dét ourné par les moqueurs. Jusqu’à leur dernière utilisation par Léon X, en 1513, plus grand monde n’en comprit l’utilité. Certains s’emparèrent de l’aubaine pour tourner en dérision le couronnement des papes.

Cependant, il est intéressant de comprendre que cette légende provient d’un autre mythe qui a été très important au Moyen Age, et dont on garde encore la trace par l’existence de diverses statues. La virilité des papes serait ainsi vérifiée car, entre 855 et 858, une femme serait parvenue à accéder à la pauté en trompant l’Eglise sur sa véritable identité sexuelle. Cette jeune femme, le plus souvent prénommée Jeanne dans les écrits qui la citent, serait originaire de Mayence, puis aurait suivi son amant dans une université britannique et poursuivi des études à ses côtés, déguisée en homme. A la mort de son amant, elle se rend à Rome et pénètre la Curie, puis devient cardinal. Les différentes versions de l’histoire s’accordent à dire qu’elle aurait été élue pape par acclamation, le peuple romain appréciant sa finesse d’esprit, son érudition et sa grande piété. Deux ans plus tard, la papesse Jeanne, séduite par un clerc ou par un cardinal, en tout cas par un homme plus clairvoyant que les autres, aurait accouché en public en disant la messe. Selon les versions, soit elle mourut en couches, soit elle fut immédiatement lapidée à mort par le peuple, pour la punir de son mensonge, de sa supercherie et de son immense péché.

Cependant, une fois encore, les historiens s’accordent à dire qu’il s’agit d’un mythe, inventé de toutes pièces par les esprits fertiles du Moyen Age, friants de ce genre d’histoires, et ensuite rapidement diffusé en Europe. La liste des papes ne laisse aucun inserstice dans lequel le règne de Jeanne pourrait s’insérer. Il ne s’écoule en effet que deux mois entre le pontificat de Léon IV, qui meurt en 855, et l’élection du pape lui succédent, Benoît III. Ces dates sont confirmées par des preuves solides, telles que des monnaies et des chartes, qui ne laissent aucun doute quant au fait qu’il n’a pu y avoir dans ces années là le règne d’aucune femme se faisant appeler Jean. De plus, la légende comporte de nombreux anachronismes : la papesse serait supposée avoir étudié dans une université britannique. Hors, la première université britannique, Oxford, est créée au treizième siècle, soit trois siècles après la mort supposée de Jeanne.

On suppose aujourd’hui que la légende de cette papesse vient possiblement de deux évènements distincts. Pour certains historiens, le mythe fut sans doute imaginé à partir du surnom de « Papesse Jeanne » donné de son vivant au pape Jean YIII pour sa faiblesse face à l’Église de Constantinople. Pour d’autres, il viendrait du surnom de « papesse Jeanne » donné à la maîtresse autoritaire du pape Jean XI.

L’Eglise s’accomodera de ce mythe sans chercher à le démentir jusqu’au 15ème siècle. Malgré tout, il est avéré que ce n’est pas pour autant que les papes ont eu droit au palper génital en public. Il est certain cependant que le fait que l’Eglise ait laissé courir cette légende n’est pas anodin. Il s’agissait bien de repréciser, avec une symbolique pour le moins terre-à-terre, que, sans en perdre son latin, la consécration religieuse est avant tout une affaire de couilles. Les gens du Moyen Age avaient au moins le mérite d’inventer une femme papesse, même s’ils l’ont fait mourir sous le poids de ses péchés. Il est assez effrayant de constater que dix siècles plus tard, notre imagination semble en totale régression.

La fameuse chaise percée

La fameuse chaise percée

Pourquoi Eve n’est pas la première femme créée par Dieu ?

L’histoire de Lilith est présente dans les écrits religieux depuis plus de 4 000 ans. Le livre de la Genèse propose deux récits contradictoires de la création de la femme : les rabbins ont vu très tôt dans cette apparente absurdité la preuve de l’existence d’une autre première femme, créée avant Eve. C’est pour résoudre cette contradiction que les rabbins vont enrichir le mythe de Lilith qui trouve un développement important dans un recueil écrit entre les 8ème et 10ème siècle après Jésus Christ, L’alphabet de Ben Sira.

Lilith est tirée de la même terre qu’Adam, ils ont été créés en même temps, et elle se considère donc comme l’égale de son compagnon. Pour cette raison, elle refuse de se tenir au-dessous de lui quand ils font l’amour, car elle voit dans cette position un symbole d’asservissement au sein du couple. Une dispute naît rapidement entre Adam et Lilith, et celle-ci invoque le nom de l’Eternel : des ailes lui poussent, et elle fuit loin de l’Eden. Les plaintes d’Adam alertent Dieu, qui envoie alors trois anges la convaincre de revenir. Celle-ci repousse leur offre : Lilith est donc le symbole d’un double refus, celui de la soumission de la femme au sein du couple, puis celui de la résistance face à l’injonction divine. Lilith est alors punie par Dieu à voir mourir tous les enfants qu’elle mettra au monde. Selon la légende, elle devient par la suite par vengeance le serpent qui fit croquer la pomme à Adam et Eve, puis incite Caïn à tuer Abel.

La figure de Lilith est en complète opposition par rapport à la figure d’Eve : sa rousseur, ses yeux sombres et son attitude rebelle contrastent avec la blondeur pastel d’Eve, et son attitude docile et soumise. Il est bon de noter que, quelles que soient les versions, Lilith est toujours considérée comme un démon femelle douée d’un appétit sexuel insatiable, ayant un fort ascendant sur Adam. Son refus de se plier à la supériorité de l’homme et son amour de la sexualité en ont fait une femme stérile. Une bien belle leçon.

Le mythe de Lilith a par la suite été repris en peinture et en littérature, notamment par Anatole France, Primo Levi, et surtout Nabokov, qui fait précéder son livre Lolita d’un poème des années 1920 intitulé Lilith. La figure de Lolita serait en fait une déclinaison du mythe.

Il existe plusieurs sources d’explication pour expliquer la méconnaissance de cette importante figure biblique : la première serait qu’elle n’est pas citée explicitement dans la Bible canonique, et que le mythe n’est développé que dans des écrits apocryphes. De plus, on connaît l’amour de l’Eglise pour les femmes rebelles et non repenties…

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